Multipliez vos options de traitement : Dr Daniel Heng nous parle des essais cliniques
Un des contenus les plus consultés sur le site Web de Cancer du rein Canada est la liste des essais cliniques.
Nous mettons la liste à jour lors de nouveaux essais cliniques et notre rédacteur médical est en contact régulier avec les chercheurs.
Qu’est-ce qu’un essai clinique et de quelle façon peut-il vous venir en aide ainsi qu’à d’autres patients atteints d’un cancer du rein?
Le directeur général de Cancer du rein Canada s’est récemment entretenu avec le réputé oncologue et chercheur Dr Daniel Heng, du Tom Baker Cancer Centre à Calgary, au sujet des essais cliniques et de la manière dont ils font évoluer le traitement du cancer du rein.
Stephen Andrew – Dites-nous, en termes simples, ce qu’est un essai clinique. Dr Daniel Heng – Un essai clinique est une étude portant sur des médicaments novateurs ou sur un nouveau traitement anticancéreux. Les essais cliniques sont généralement randomisés : un premier groupe de patients reçoit un traitement, tandis qu’un second en reçoit un autre. Les groupes sont formés de patients choisis au hasard. L’administration des traitements de manière aléatoire entre les différents groupes de patients nous permet de constater lequel est le meilleur, ce qui fait en sorte d’améliorer les soins que nous prodiguons aux patients. Ce mode de fonctionnement est le seul qui nous permet d’évaluer correctement ces nouveaux traitements, d’obtenir le financements pour ces thérapies et de nous assurer de leur efficacité et de leur innocuité. |
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S.A. – Comment les patients peuvent-ils participer à un essai clinique? D.H. – Partout au Canada, plusieurs établissements médicaux ont accès à des essais cliniques ou encore sont en mesure de vous diriger vers un centre où il s’en tient. J’encourage les patients à demander à leur médecin, le plus souvent un oncologue, de vérifier s’ils sont admissibles à participer à un essai clinique. |
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S.A. – Pourquoi ces essais sont-ils importants? D.H. – Comme je le disais, les essais cliniques constituent la seule manière de s’assurer que les nouveaux traitements seront bénéfiques pour nos patients. Il est vraiment important de ne pas se baser uniquement sur les anecdotes d’autres patients concernant un médicament en particulier qu’ils estiment avoir été bénéfiques, car il pourrait ne pas s’avérer efficace pour d’autres patients ou pour la population en général. Les essais cliniques qui font la preuve de l’efficacité d’un médicament seront remboursés par le gouvernement. Ils permettent aussi aux patients d’avoir accès à des traitements novateurs prometteurs qu’ils ne pourraient pas recevoir autrement. |
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S.A. – Recruter des participants constitue-t-il un défi particulier? D.H. – Les essais cliniques comportent plusieurs critères auxquels les patients doivent satisfaire. En bref, tous les patients ne sont pas admissibles à participer à un essai clinique. D’ici à ce qu’on réussisse à guérir le cancer du rein, nous avons besoin d’augmenter le nombre des participants. |
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S.A. – Cancer du rein Canada publie la liste des essais cliniques qui sont en cours de recrutement sur son site Web. On nous demande souvent s’il est possible de participer à un essai, même si on ne réside pas dans la région où il se tient. Est-ce possible, et, si oui, de quelle façon? D.H. – Bien sûr, pour autant que les patients soient prêts à voyager entre leur lieu de résidence et le centre de traitement. Il sera utile de discuter avec l’oncologue des essais disponibles, pour ensuite évaluer si les déplacements en valent la peine. Certains essais remboursent une petite partie des frais de déplacement, mais ce n’est pas toujours le cas. |
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S.A. – On pense souvent que les essais cliniques constituent un dernier recours. Qu’en pensez-vous? D.H. – Aujourd’hui, nous abordons l’option de participer à un essai clinique plus tôt que dans le passé. Par exemple, nous avons maintenant des essais sur des traitements de première intention qui s’adressent uniquement à des patients qui n’ont pas encore reçu de traitement médicamenteux. Ces essais analysent le bien-fondé d’entreprendre le traitement avec le plus récent et le meilleur médicament en première intention. |
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S.A. – Quelles questions les patients devraient-ils poser lorsqu’ils envisagent la possibilité de participer à un essai clinique? D.H. – Les patients devraient demander « Est-ce que cela en vaut la peine pour moi? » Car dans le cadre de la plupart des essais cliniques, les rendez-vous sont plus nombreux, les dépenses de stationnement plus élevées et les tests sanguins et d’imagerie médicale sont plus fréquents. Les patients doivent donc s’assurer qu’ils ont le temps de participer à un essai. C’est une question de compromis : êtes-vous prêts à vous conformer aux conditions de l’essai en échange d’un accès à un traitement novateur, ou, à tout le moins, une aide à de futurs patients? Les patients devraient lire attentivement les formulaires de consentement et ne pas se gêner pour poser des questions, même si elles leur semblent naïves. Il est aussi important de se renseigner sur les effets secondaires des médicaments qui sont à l’étude, ainsi que d’obtenir le nom et les coordonnées de l’infirmière affectée à l’essai clinique auquel vous participez. Je crois aussi qu’il est avantageux de vous renseigner sur le traitement standard que vous recevrez si vous ne participez pas à un essai clinique. |
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S.A. – Que dites-vous aux patients qui éprouvent des réticences à participer à un essai clinique qui compare un traitement à un placebo? D.H. – Les essais cliniques exigent parfois que la moitié des patients qui y participent reçoivent un placebo comme traitement, en tout ou en partie. Cela peut aussi être imposé par les décideurs en matière de santé, par exemple la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, le pays de provenance de plusieurs essais cliniques. Par exemple, un protocole de recherche pourrait comporter un groupe placebo lorsque la norme de soins actuelle utilise un simple suivi par imagerie médicale, ce qui est le cas des patients qui ont subi une résection chirurgicale d’un cancer du rein localisé. L’essai clinique qui compare l’atézolizumab (Tecentriq) à un placebo utilise ce type de protocole. En comparant un placebo à un traitement médicamenteux, on élimine les préjugés qu’on observe dans les essais cliniques qui ne comportent pas de contrôle par placebo. Par exemple, un patient qui sait qu’il reçoit le nouveau traitement expérimental pourrait avoir tendance à faire de l’exercice, à mieux se sentir psychologiquement, ce qui donnera de meilleurs résultats et amènera le médecin à conclure, de manière erronée, que le traitement est efficace. Les essais cliniques contrôlés par placebo nous permettent de garantir que l’homologation d’un nouveau traitement est fondée sur des données scientifiques et qu’il sera bénéfique aux patients. Nous voulons éviter d’approuver un médicament qui provoque des effets secondaires néfastes aux patients, sans leur procurer de réels bénéfices. Le choix d’opter pour un essai clinique comportant un groupe placebo revient entièrement au patient, qui seul est à même de décider s’il se sent à l’aise d’y participer et ainsi aider de futurs patients. Des essais cliniques ne comportant pas de groupe placebo conviendront probablement mieux aux patients qui sont réfractaires à ce type de protocole; par exemple, l’essai qui compare le nivolumab périopératoire à l’absence de nivolumab, chez les patients qui présentent un cancer du rein localisé (stade précoce) et résécable; cet essai sera bientôt en phase de recrutement au Canada. Il existe d’autres types d’essais, par exemple ceux portant sur le cancer du rein métastatique (stade avancé), qui utilisent un placebo en combinaison avec un traitement standard. Il est alors important de savoir que vous recevez un traitement efficace. |
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S.A. – Qu’aimeriez-vous ajouter en guise de conclusion? D.H. – J’invite chaque patient à aborder la question des essais cliniques avec son urologue ou son oncologue; c’est en effet grâce à ces essais que nous réussissons à améliorer l’état de santé et la qualité de vie des patients. Vous savez, certains de mes patients qui jouissent des plus longues périodes de survie participent encore aujourd’hui à des essais cliniques qu’ils ont entrepris au moment où les médicaments n’étaient pas encore approuvés ou ne faisaient pas partie de la pratique courante. |
Dr Daniel Heng MD MPH FRCPC
Dr Heng est oncologue médical au Tom Baker Cancer Center de Calgary en Alberta et professeur agrégé de médecine clinique à l’Université de Calgary, où il a obtenu son diplôme de médecine. Il a fait sa résidence en oncologie médicale et en médecine interne à l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver. Après une formation à la BC Cancer Agency, il a terminé son post-doctorat en thérapeutiques expérimentales au Taussig Cancer Center de la Cleveland Clinic. Il est également détenteur d’une maîtrise en santé publique de l’Université Harvard. Dr Heng est président du Genitourinary Tumor Group à Calgary ainsi que de l’International mRCC Consortium Database. Il s’intéresse particulièrement aux résultats des traitements, aux facteurs de pronostics et à la recherche clinique en cancers génito-urinaires, notamment en cancer du rein métastatique.
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