Répercussions négatives des nouvelles incendiaires sur le cancer
Cette semaine, ma boîte courriel a été inondée de messages au sujet d’un reportage largement diffusé selon lequel des chercheurs avaient trouvé le remède contre le cancer. Mon cœur s’est arrêté de battre. Et puis je me suis fâchée.
Tout a commencé par un article paru dans le Jerusalem Post, intitulé « Un remède contre le cancer? Les scientifiques israéliens affirment qu’ils pensent en avoir trouvé un » (A Cure for Cancer? Israeli Scientists Say They Think They Found One). Il débute par une citation idyllique de Dan Aridor, président du conseil d’administration de la société de biotechnologie AEBi : « Nous croyons pouvoir offrir une cure complète contre le cancer d’ici un an. » [Traduction]
La nouvelle n’a pas tardé à se propager et, en peu de temps, tous les fils d’actualités rapportaient des versions semblables de l’article (provenant de sources multiples), qui ont tôt fait d’être partagées inlassablement sur Internet.
J’ai perdu mon mari à cause du cancer et, étant maintenant à la tête d’un organisme de défense des droits des patients, je savais très bien pourquoi les gens communiquaient avec moi. Comme eux, je voulais désespérément croire que la nouvelle était vraie. Mais la sceptique en moi savait qu’il s’agissait probablement d’une exagération, ce qui m’a incité à examiner bon nombre des itérations pour regarder au-delà des déclarations incendiaires et des citations trompeuses.
Le tableau complet — et décevant — n’était pas tellement difficile à déchiffrer. Enfouie dans le dernier paragraphe de l’article original était cette phrase cruciale : « AEBi est sur le point d’amorcer une série d’essais cliniques qui pourraient être terminés d’ici quelques années, afin d’offrir un traitement dans des cas particuliers. » [Traduction]
Ce qu’il faut en comprendre : L’AEBi tente de trouver des fonds pour lancer une série d’essais cliniques. Ces essais pourraient être terminés d’ici quelques années. En supposant que les premiers essais produisent de bons résultats, des traitements pourraientdevenir disponibles pour certainscancers.
Vue de cette façon, l’affirmation initiale d’un « remède d’ici un an » semble douteuse, sinon carrément fausse.
Si le Jerusalem Postet les autres diffuseurs médiatiques avaient regardé au-delà du battage publicitaire, le titre aurait été : « Une théoriepouvant déboucher sur un traitement curatif chez certainspatients atteints d’un cancer est possibledans la prochaine décennie. »
Mais cela n’est pas excitant. En fait, cela ne constitue même pas une nouvelle. Des recherches prometteuses sont en cours dans des laboratoires partout dans le monde, et peu d’entre elles font la manchette.
Ce qui soulève la question : Pourquoi l’article a-t-il été écrit en premier lieu? Des recherches prometteuses? Peut-être. Des nouvelles de dernière heure? Non. Un remède à court terme contre le cancer? C’est loin d’être le cas.
Je me demande si le journaliste a réfléchi à la façon dont ce genre d’article serait reçu par les personnes atteintes d’un cancer, pour qui ce type de nouvelle, si elle était légitime, pourrait leur sauver la vie.
Tout au long de la semaine, j’ai observé des patients atteints de cancer et luttant pour leur survie qui partageaient la nouvelle à maintes reprises. Certains étaient sceptiques, mais d’autres étaient si remplis d’espoir que cela était pénible à voir, surtout lorsque ces patients ont commencé à réaliser que ces articles avaient atrocement suscité leurs espoirs dans le but de générer un peu plus de trafic Web.
Il est cruel de donner de faux espoirs à des gens désespérés. Mais les dommages causés par de telles nouvelles sont bien plus dévastateurs que cela. Il y a deux ans, mon organisation, KCCure, a mené un sondage auprès de 450 personnes atteintes du cancer du rein. Les résultats, publiés la semaine dernière (en anglais) dans la revue Frontiers in Oncology, ont montré que plus de 70 pour cent des patients ressentaient des frustrations à l’égard de leurs soins. La crainte constituait le principal facteur de frustration. Et le deuxième facteur le plus courant? La méfiance envers le système de soins médicaux.
Les articles qui exagèrent les effets bénéfiques des traitements ou qui font un battage médiatique autour d’un remède renforcent ce sentiment de méfiance et ébranlent la confiance déjà fragile que les patients désespérés placent dans notre système de soins de santé, les portant alors à remettre en question même les meilleures données scientifiques fondées sur des données probantes. Peut-on les blâmer d’être méfiants lorsqu’il n’est pas toujours évident de savoir si une source est digne de confiance? Lorsque des décisions de vie ou de mort sont prises, les patients ne peuvent pas se permettre ce genre de doute.
Heureusement, de nombreuses sources ont entrepris des rectifications (en anglais) pour contester les allégations avancées par les articles précédents. Les spécialistes du cancer (en anglais) ont ajouté leur voix au chœur grandissant, tentant de rétablir les faits. Mais l’on ne peut pas réparer le tort déjà causé. Peu importe le nombre de fois que nous tentons de le faire, les fragments de désinformation diffusés de façon virale continueront à circuler.
Les patients atteints de cancer méritent des informations précises et honnêtes, et en ont besoin, de la part des médecins, des chercheurs, des PDG de sociétés de biotechnologie et des médias. Les journalistes peuvent bénéficier de clics additionnels sur un article, mais les patients en souffrent.
Ce type de nouvelles incendiaires alimente le cancer de faux espoirs.
Dena Battle
dena@kccure.org
@rccadvocate
Dena Battle est présidente et cofondatrice de KCCure, un organisme de défense des droits des patients voué à l’accroissement de la recherche sur le cancer du rein. En tant que défenseure des patients, elle a reçu une rémunération et des honoraires de plusieurs compagnies pharmaceutiques.