Histoire de cas
J’ai été diagnostiquée fin octobre 2008 lorsqu’après une batterie de tests, une échographie a décelé la présence d’une masse dans mon rein droit.
J’avais perdu près de vingt kilos au cours des mois précédents et au début de l’été, j’avais eu du sang dans mes urines, un phénomène que j’avais attribué à une « overdose » d’asperges fraîches du jardin.
Je me suis précipitée sur Internet où j’ai trouvé divers articles sur le cancer du rein, un cancer dont je n’avais jamais entendu parler.
Mon chirurgien-urologue m’a expliqué la nature de ma maladie et il m’a suggéré de remplir immédiatement les formulaires dans le but de subir une néphrectomie trois semaines plus tard. Ce que je fis sur le champ.
La tête me tournait, mais le fait d’agir me faisait du bien après des mois de questionnements. J’avais une infinie confiance envers le professionnalisme de ce spécialiste et notre relation, à ce jour, en est une d’ouverture, d’humanité et de communications très claires.
Une résonance magnétique prise début novembre 2008 a confirmé non seulement la présence d’une tumeur d’environ 6 centimètres dans le rein droit, mais on y voyait aussi des ganglions enflés derrière la veine cave, ce qui laissait présager que le cancer avait pénétré le système lymphatique.
« Ça ne me dérange pas tant que ça », de commenter mon médecin qui ne voulait pas compliquer la chirurgie et qui croyait que les ganglions étaient dus à une inflammation causée par la tumeur.
J’ai donc été opérée fin novembre par laparoscopie et suis sortie de l’hôpital deux jours plus tard, avec l’humeur d’une battante.
Un peu sonnée, mais battante !
Ma convalescence s’est déroulée sans anicroches et j’allais mieux de jour en jour. Je prenais du poids et des forces, j’avais confiance que la pathologie serait d’un stade précoce et que tout ça allait rester derrière moi. Après tout, les statistiques, glanées sur Internet et confirmées par mon médecin, étaient de mon bord, même en tenant compte des foutus ganglions.
Seule une douleur à la jambe droite me taraudait, mais à mon âge avancé (59 ans) et avec le froid et les tempêtes de neige qui sévissaient en ce mois de décembre 2008, il y avait de quoi pelleter à tous les jours et avoir mal aux os.
En janvier 2009 je reçois sans broncher les résultats de la pathologie : un stade 3.
OUPS…
Mon urologue m’envoie passer une nouvelle résonnance magnétique mi-janvier : HOURRA, plus de rein droit (ça on le savait), mais plus de ganglions non plus !!!
Il est 19h30 un soir de semaine quand il m’annonce ça.
Je n’y crois pas, dis-je.
Lui non plus, me répond-t-il.
Je répète la même chose, folle de joie, pour que ma fille qui n’est pas loin entende : « plus de ganglions » !!!
Je n’en reviens pas.
Lui non plus.
À tel point qu’il me dit qu’il va regarder lui-même la résonance magnétique dans les jours qui suivent.
Histoire d’être certains, n’est-ce pas ?
Vous aurez compris qu’ils étaient toujours là, mais diminués en quantité comme en grosseur ce qui explique que le radiologiste ne les ait pas détectés.
Le reste de mon histoire est une saga trop longue à raconter.
Disons que dans les semaines qui ont suivi j’ai connu à la fois le meilleur et le pire de notre système de santé et de la nature humaine.
Échec de mes tentatives de participer à une recherche, douleur à la jambe qui augmente, toujours est-il qu’en février je demande à mon médecin de famille de passer une radiographie qui révèle une tumeur au fémur droit, fort probablement une métastase.
Consultations d’urgence en orthopédie, l’os est tellement envahi qu’il menace de se briser à tout moment. Je suis opérée dans les 72 heures.
On m’explique que l’opération est sommaire : on va enlever et gratter du mieux qu’on peut, mettre une tige de métal et 2 vis qui vont me permettre de marcher.
La douleur devrait diminuer et le cancer disparaître…, pour un temps.
Un temps.
Mais il va revenir.
Ça c’est certain.
C’est un mois et une semaine de radiothérapie plus tard, qu’on me donne les détails.
J’entends les mots stade IV, incurable, palliative.
Je sais déjà tout ça, je suis allée sur Internet.
Ça vous étonne ?
Mon nouveau docteur, un oncologue, n’apprécie pas vraiment que je m’auto-renseigne.
Je lui pose donc la question qui tue : j’en ai pour combien de temps ?
La réponse à cette question-là, je ne l’ai pas trouvée de façon fiable sur le Web.
Après quelques hésitations et comme je l’encourage à me répondre directement il me dit : « un an ».
Un an à partir de la néphrectomie ? de l’opération à la jambe ?, de maintenant ?
C’est avec un petit rire et le sourire gêné qu’il me répond : « de maintenant ».
YEAAAAH.
On est presque un an plus tard.
J’en suis à ma dixième ronde de Sutent.
Trois fois que je passe les tests qui me permettent d’avoir accès à ce médicament d’exception fort onéreux. Trois fois que je deviens insupportable pour mon entourage à force de nervosité et d’anxiété : va-t-on me le retirer ?
Ça m’apprendra à démissionner d’une job au gouvernement et à être devenue pigiste…
Pas d’assurances, bien sûr.
C’est en juin 2009 qu’on a fini par me découvrir une fracture de tension au fémur droit alors que depuis quinze jours après l’opération à la jambe, je me plaignais d’une douleur insupportable à cet endroit.
« Rentrez chez vous et prenez ça aisé, ma p’tite madame », me répondait-on à répétition, en me tendant une prescription d’analgésiques différents à chaque fois.
Lorsque finalement on voit la fracture à la radiographie, mon oncologue du moment me prescrit un médicament destiné à protéger mes os contre la formation de métastases.
Depuis mon diagnostic, j’y perds mon latin à essayer de découvrir lesquels de mes malaises sont attribuables aux effets secondaires du Sutent, lesquels au cancer, lesquels à ma fracture, lesquels à la néphrectomie.
Je suis un peu, vachement déprimée.
Il me reste combien de temps à vivre déjà ?
Ça fait combien en heures ?
J’ai entendu que le cancer du rein est imprévisible au moins dix fois, de dix sources différentes. (Pour ceux qui se posent la question, y inclus sur l’Internet une fois.)
Je médite plusieurs fois par semaine, je fais de la visualisation au téléphone avec une fille super chouette de la Société canadienne du cancer, les infirmières de l’Ordre de Victoria (VON) viennent me donner des soins à domicile, je suis chanceuse mais je pique du nez. Ma fille, ma sœur, mon frère, mes amies, ne cessent de m’entourer, de m’aider.
Lorsque mon entourage en entier me parle d’anti-dépresseurs, je finis par obtempérer.
En octobre 2009, de retour sur le Web après quelques mois de congé, je tombe par hasard sur le site de l’Association canadienne du cancer du rein.
Comment ne l’avais-je pas trouvé avant ?, je n’en ai aucune idée. J’avais décidé d’arrêter de consulter parce que les « chats » que je lisais s’interrompaient tous subitement après un ou deux ans d’échange. J’en tirais la conclusion que les internautes atteints s’étaient éteints, ce qui ne m’encourageait pas beaucoup à surfer.
Donc, je trouve le site, je lis plein d’informations super détaillées, des récits de cas, j’obtiens des renseignements, je n’en crois pas mes yeux, il y a un numéro de téléphone à Montréal.
Je laisse un message et quelques jours plus tard un dénommé Tony Clark de Toronto, le président de l’Association canadienne du cancer du rein me rappelle.
Il me pose une série de questions, je lui raconte mon histoire.
Il a le même parcours que moi à peu de choses près, me dit-il, la seule différence est que son histoire à lui dure depuis cinq ans.
La suite de mon aventure c’est que, sur son conseil, j’ai reçu un deuxième avis, venant cette fois d’un spécialiste du cancer du rein.
Ce dernier me parle de traitement séquentiel, d’une maladie qui est en passe de devenir chronique plutôt que mortelle. Il me dit que j’ai besoin d’un médicament différent de celui qu’on me donne pour les os, mais sinon, je vais bien.
Je vais bien, moi ?
Oui, je peux dire aujourd’hui que je vais bien.
Les effets secondaires du Sutent ont beaucoup diminué.
Si tant est que c’étaient des effets secondaires…
Ça va bien !
Aujourd’hui, j’ai placé des appels à mon infirmière-pivot, au pharmacien de l’hôpital, à la RAMQ, à mon spécialiste. Demain, je vois ma psy.
J’ai un genre de job à temps plein.
Et, je l’espère, la semaine prochaine, je pourrai obtenir du gouvernement l’autorisation pour le médicament qui va vraiment protéger mes os.
Sinon…, je vais devoir me remettre à ÉCRIRE.